La Porte d'entrée

Ariane avait marché toute la nuit en direction de son château. Elle avait eu amplement le temps de réfléchir à tout ce qui lui arrivait, et en était venue à la conclusion qu'elle était bel et bien amoureuse de son ancien ami, maintenant disparu dieu seul savait où.

*Comme je regrette de ne rien avoir réalisé avant... Pourquoi a-t-il fallu que je le laisse seul..?? Je savais bien, pourtant, qu'il avait des problèmes... Je... Il me manque.*, conclut-elle, éclatant en sanglots.

Sa douleur était telle qu'elle se laissa tomber à genoux dans le chemin de gravier menant au château, grand palais construit en aval d'une montagne, dans un minéral limpide, semblable à du cristal. Du haut de la montagne, on pouvait apercevoir un fjord au fond de la vallée, et même au loin, les montagnes de neiges éternelles.

*On m'a dit un jour que la haine était l'hiver du coeur... Je ne devrais pas le haïr pour m'avoir abandonnée lorsque j'avais le plus besoin de sa présence à mes côtés... Merde! Je donnerais tout ce que j'ai pour le revoir parmi nous... Juste pour une seule étreinte... Pouvoir respirer son parfum...*

Elle regarda au loin les montagnes recouvertes de neige, et se demanda:

*Est-ce que je veux vraiment que mon coeur ressemble à ÇA? Froid, hostile, inhabitable... comme ces montagnes? Je devrais l'oublier... Passer à autre chose... Depuis tout ce temps... Je croyais l'avoir oublié.. Mais il était là, caché au fin fond de moi-même... Il aurait bien fini par ressurgir tôt ou tard, j'aurais dû m'y attendre...*, se dit-elle, sentant son coeur se serrer douloureusement, comme si quelqu'un le pressait au fond de sa paume avec énergie.

La jeune nymphe n'en pouvait plus... Elle se laissa tomber sur les avant-bras, tel un adorateur se prosternant devant son dieu. Seule différence... Elle, elle s'inclinait devant son destin. Elle abandonnait.

- Mademoiselle Ariane... Est-ce que ça va?, fit une toute petite voix.

Ariane releva brusquement la tête et fit valser sa longue cascade de cheveux par-dessus ses épaules. À travers les larmes qui brouillaient son regard, elle distingua tout de même la silhouette de Miria, une petite servante du château. La jeune domestique s'avançait doucement, afin de ne pas effaroucher sa maîtresse. Ariane renifla, puis essuya ses yeux en se relevant.

-Oui, oui... Désolée Miria! J'aurais préféré qu'on se retrouve dans une tout autre atmosphère, après tout ce temps...
-Aucun problème, mademoiselle! Je comprends la cause de ces larmes... L'amour est la source de bien des malheurs...,murmura-t-elle en la regardant de ses yeux perçants.

Ariane baissa les yeux en rougissant. Puis, sentant les larmes sur le point d'éclater à nouveau, elle déclara, en guise de diversion sans doute :
- Je descends au fjord. Que personne ne vienne me déranger pour le moment, d'accord?
- Aucun problème, mademoiselle. Je ferai tout le nécessaire.
- Merci beaucoup Miria...
- Ce n'est rien... C'est tout naturel!, fit-elle avec un sourire bienveillant.

Ariane s'élança à toute allure vers le bas de la montagne, où coulait une eau limpide, brillant à la lueur du soleil levant tel un diamant dans son écrin.

- Occupe-toi de Mirador!, recommanda-t-elle à la jeune servante. Il a marché devant moi toute la nuit...! Je crois qu'il est déjà arrivé!

La jeune nymphe disparut alors dans les gorges de la vallée enchantée, détalant vers son échappatoire préféré. Elle en avait bien besoin, il faut dire.

Arrivée au fin fond des gorges de la vallée, Ariane s'arrêta, savourant le paysage s'offrant à elle.

* Il y a si longtemps que je suis descendue ici... Ça m'a tellement manqué...*, pensa-t-elle en souriant.

La jeune nymphe courut vers le fjord, enlevant sa tenue de guerrière en courant. Elle se précipita à l'eau, rigolant comme une enfant. L'eau était claire et fraîche, et à une température parfaite!

Elle plongea au fond de la rivière, et remonta rapidement. Soudain, elle s'arrêta net en aperçevant une silhouette sortant de la clairière...

Jonathan aperçut enfin la lumière au bout de cet épais bois, qui semblait s'ouvrir sur une vaste clairière. Il pressa le pas quelques peu, puis se retrouva non pas dans une petite clairière, comme il se l'était imaginé... Mais plutôt au fond des gorges d'une grande vallée, tellement belle qu'elle semblait enchantée. Il leva les yeux au ciel, teinté de rose et de mauve à cause du soleil levant, et distingua au haut de la montagne un grand palais qui semblait fait de cristal.

Le jeune homme, bouche bée par la beauté des lieux, se laissa choir dans le sable chaud de la berge du fjord. Il ferma les yeux de contentement, épuisé par son voyage. Soudain, il entendit un bruit semblable à un poisson sautant hors de l'eau. Il s'assit brusquement, et balaya le cours d'eau des yeux. Rien.

Il revérifia, pour s'assurer d'être bel et bien seul. Cependant, il distingua clairement, au beau milieu du courant, une jeune femme qui le fixait. Ses longs cheveux bruns-dorés étaient plaqués sur sa tête et ondulaient dans l'eau autour d'elle. Jonathan sentait son regard le transpercer. Elle avait de grands yeux verts, un vert si intense... Il aurait pu le comparer à celui d'une émeraude. C'était absolument hypnotique, il ne pouvait s'en détacher.

- Excusez-moi... Pouvez-vous vous retourner quelques minutes, le temps que je sorte me changer? Je vous en serait bien gré...

La silhouette s'avança à la lumière, et Ariane distingua un jeune homme d'environ 20 ans. Grand, cheveux bruns, yeux verts, il paraissait très séduisant. Il s'assit sur la berge et se laissa tomber surle dos dans le sable. Elle l'observa en silence quelques secondes, puis tenta de sortir de l'eau sans bruit pour ne pas l'effrayer. Elle perdit pied en glissant sur une pierre et se retrouva sous l'eau. En se relevant, le jeune homme était maintenant assis et la fixait intensément, comme s'il la scannait. Ne sachant que dire, elle murmura :

- Excusez-moi... Pouvez-vous vous retourner quelques minutes, le temps que je sorte me changer? Je vous en serais bien gré...

Revenant brusquement à lui, comme s'il sortait d'une transe, il répondit un bafouillant 'bien sûr', et se retourna, fixant la forêt. La jeune nymphe sortit de l'eau, puis enfila rapidement ses vêtements, cachée derrière un buisson.

Jonathan se retourna, comme la jeune femme lui avait demandé. Il l'entendit sortir de l'eau, puis ramasser ses vêtements. Il se sentait tout drôle de la savoir derrière lui, en train de se changer. Cependant, une chose le troublait encore plus que sa beauté... Il avait l'impression de la connaître.

Ce regard... Un regard perçant, impressionant... Qui vous hypnotise et dont on ne peut se détacher... Il l'avait déjà vu quelque part.

Peu importe. Cela ne devait absolument pas le distraire de son but. Il devait tuer tous les Bienfaisants... Et elle en faisait partie. De plus, cette jeune femme semblait receler un pouvoir puissant, il le ressentait par son aura. S'il la tuait, il n'en deviendrait que plus puissant. Peut-être même pourrait-il assassiner le Chef du Clan des Sorciers et prendre contrôle de son royaume...

*Je pourrais peut-être épargner cette jeune femme et en faire mon épouse...*

Ariane remarqua que le jeune homme semblait épuisé.

- Vous me semblez épuisé... Aimeriez-vous venir passer la nuit à mon château? Il est juste là-haut..., offrit-elle en pointant le haut de la montagne.
- Bien... Ce ne serait pas de refus..., dit-il après hésitation.

Ils remontèrent la côte, et arrivèrent devant le portail argenté du domaine. Le château de cristal brillait de mille feux sous les rayons du coucher du soleil... Ariane croisa le regard du séduisant jeune homme, puis il détourna rapidement les yeux. Son coeur se serra un peu.

* Pourquoi il me fait cet effet-là?...Je ne comprends pas... Pourquoi il ne me regarda jamais dans les yeux? Je dois vraiment être affreuse à voir, après ma baignade... Je vais aller me changer, me coiffer, et me maquiller avant le banquet...

Ils entrèrent, et une domestique se chargea de guider son invité vers sa chambre pendant qu'Ariane allait se préparer. Elle lui décocha un sourire, mais il regarda ailleurs.

Le coeur serré, elle se dirigea vers ses appartements.

Jonathan suivit la domestique au travers d'un dédale de différents couloirs, et arriva dans sa chambre. C'était une grande pièce, avec un foyer au fond. Tout était en marbre blanc, il y avait un grand lit, absolument énorme, avec des draperies de soie fine, toute argentée et bleu pâle.

- Les bains sont au fond du couloir, si vous désirez vous rafraîchir, et il y a des serviettes au fond des tiroirs., indiqua la servante en désignant une armoire.

Il la remercia, puis se dirigea vers les bains.

Ariane s'enfonça dans l'eau chaude du grand bassin. De la vapeur s'élevait au travers de la pièce. La jeune nymphe plongea et nagea d'un bout à l'autre du bain. Elle ressortit quelques secondes plus tard, reprenant son souffle, ses cheveux collant sur sa peau.

Soudain, elle entendit la porte claquer, et perçut des bruits de pas. Une silhouette parut au travers de l'épaisse brume dûe à l'humidité. L'homme enleva ses vêtements et se glissa dans l'eau sans bruit. Ariane devina qu'il s'agissait du jeune homme de la rivière.

* Merde... Comment je m'en sors, maintenant? *

- Il... il y a quelqu'un?, murmura-t-il.
-...Oui. C'est moi..., répondit-elle faiblement.
- ...J'arrive., dit-il après un instant.
- ...

Il nagea, et arriva à ses côtés. La jeune femme remercia mentalement le ciel qu'il y ait autant de brouillard pour... dissimuler certaines parties du corps. Ne sachant que dire... Mal à l'aise... Elle lui demanda :

- Comment vous appelez-vous?
- Jonathan Banks, pour vous servir... Et vous, mylady?
-...

Ariane eut un mouvement de recul. * Jonathan BANKS... Elle connaissait ce nom... Elle ne le connaissait que trop bien. *

- Qu'y-a-t-il... Vous me paraissez troublée... Comment vous appelez-vous, très chère?
- Je... Jonathan... C'est moi... Ariane.

Lentement, il se retourna et, pour une fois, la regarda directement dans les yeux. Ariane reconnut ce regard. C'était bel et bien le Jonathan qu'elle connaissait. Il ne dit pas un mot, la dévisageant en état de choc.

Ces dernières paroles le frappèrent comme une masse.

* Impossible... Cette fille n'est pas Ariane... J'en suis sûr. Je l'aurais su... Pourtant... Elle lui ressemble tellement! On a envie de se perdre dans le vert de ses yeux, c'en est envoûtant...*

- Je... Ariane...Je ne sais pas quoi dire...
- Je t'ai cherché si longtemps... Je t'ai cru mort, dans cette bataille... Il y avait du sang partout, je m'en souviens..., murmura-t-elle, l'air de se rappeler un souvenir particulièrement douloureux.

Le jeune sorcier ne savait que faire... Il avait envie de la prendre dans ses bras et d'oublier toutes ces années où ils avaient été séparés, mais ils étaient à présent de clans différents...

Revenant à lui, il entendit une porte se refermer. Ariane venait de quitter les bains.